Je profitais de faire le point sur mes un an et quelques d’hypnose dans les pattes pour réfléchir à des articles autour de mon expérience et des manques que je pouvais ressentir et je me suis dis en lisant un article de Elsa Couteiller qu’il serait intéressant de consigner des réflexions qui je l’espère aideront d’autres novices en hypnose.
Ce matin donc, m’est venue l’envie de parler du fait de « trouver son style » car c’est quelque chose que l’école ne peut pas nous apprendre, du moins, c’est ma croyance. Je ne compte plus le nombre d’article ou de vidéo que j’ai pu voir sur le sujet autant en hypnose qu’en art et je me permet donc de porter ma casquette de formateur (en art et en design) pour écrire sur le sujet.
La recherche du style est toujours pour moi d’une grande importance quand on pratique une activité ou un métier. Surement parce que j’ai beaucoup travaillé dans le domaine de l’image mais également parce que depuis plus de 15 ans j’ai passé mon temps à explorer, essayer jusqu’à arriver un jour à quelque chose qui me correspondait…graphiquement du moins.
En hypnose c’est une autre histoire, j’ai moins d’ancienneté, j’ai encore beaucoup de choses à découvrir et pourtant, un de mes objectifs numéro 1 a été de très vite trouver une manière de m’approprier les techniques apprises à l’école. Cette recherche m’obsède mais c’est parce que j’accole au style de nombreuses vertus.
Voici donc quelques réflexions autour de ce questionnement que je retrouve souvent dans les groupes whatsApp de formation ou lors de discussions avec mes confrères et consoeurs. Autour du fait d’être à son aise en séance sans pour autant se reposer sur des certitudes, avoir un socle viable et solide pour pratiquer avec plus de détente et d’état présent.
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Le style comme base d’un édifice solide
le style m’apparait comme un point de départ, une base solide qui permet ensuite de s’en éloigner pour s’adapter aux contraintes d’un brief ou d’un client. On ne peut pas prévoir ce qu’il peut se passer en séance mais le fait de savoir avec quoi commencer un travail de manière global peut apporter une paix d’esprit et renforcer notre sens de l’écoute.
Le style n’est pas enfermant, il permet de se rassurer sur les bases que nous avons et que nous pouvons au bout d’un moment maitriser. Un petit exemple visuel avec le travail de Mondrian et ses peintures d’arbres.
Mondrian peint très bien les arbres, il a les bases !
Une fois la base maitrisée (« je sais peindre un arbre »), il peut partir sur des expérimentations, explorer son ressenti. Par exemple, peindre un arbre mais plus simplement
Et puis encore plus simplement
Et encore plus simplement (et on commence à reconnaitre les fameuses formes géométriques par lesquels vous connaissez surement mieux Mondrian).
Avant d’en arriver là, il y a la maitrise des bases et celle-ci sont accessibles à toutes et tous. En hypnose vous y trouverez le sens de l’écoute, la congruence, la synchronisation. Des choses tangibles et presque mesurables (le client est stressé > je suis stressé avec lui ; le client a peur > j’ai peur avec lui ; le client est joyeux > je suis joyeux avec lui).
Pour les inductions et le déroulé d’une séance…hé bien la c’est plus compliqué et c’est à ce moment là que le style vient permettre d’amener une base qui nous permet de respirer un peu et d’être plus à l’écoute de l’autre au présent.
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Comment on trouve un style ?
Quand on arrête de chercher 😀 (non je rigole mais tout de même…). Qui n’a pas rêvé d’avoir la même présence hypnotique qu’un Kevin Finel, d’avoir l’aisance oral d’un Jean Dupré, la culture d’un François Roustang, d’être comme « mettre ici le nom d’une personne dont vous aimez le travail ». C’est quand on se rend compte qu’il est Impossible d’être quelqu’un d’autre que soit que le style peut apparaitre.
Accepter qu’il y a des choses qu’on ne sait pas bien faire parce qu’on aime pas ça (le S.C.O.R.E par exemple pour moi) et puis qu’il y a des terrains sur lesquels on est plus à son aise. Faire le deuil de ce qu’on ne maitrise pas encore très bien maintenant et accueillir ce qui nous parle « pour de vrai ».
En faisant ce travail d’acceptation, le bout du style peut commencer à venir à soi et on peut ainsi couper une partie de nos interrogations intérieure pendant la séance. Si à un moment vous sentez que vous n’avez peut être pas le bon accompagnement pour un client, il est toujours pro de rediriger celui-ci et c’est un des grands avantages qu’amène le fait de mieux se connaitre.
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Avoir des références
Une de mes nombreuses croyances en hypnose comme en art est la suivante : Notre travail n’a de valeur qu’au regard de celui qui a existé bien avant notre naissance.
Qu’est ce que cela veut dire ? hé bien qu’il faut respecter le travail de tous les explorateurs qui ont écrits, réfléchis et essayés des choses bien avant notre arrivée dans les disciplines que l’on pratique. C’est d’ailleurs pour cela que dans de nombreux domaines on va tenter de proscrire un maximum « l’intuition » pour favoriser l’écoute.
Le fait d’avoir des références, c’est réussir à avoir des exemples, des cas concrets, issues du travail d’autres professionnels. Nul besoin de déifier ceux-ci, juste s’interroger sur ce qu’on lit ou l’on entend et si ça rentre dans nos valeurs et si cela peut être utile face à notre client.
Les références aident également lors du discours pré-hypnotique pour commencer à mettre en route l’imaginaire du client. On ne sait pas ce qui est bon pour le client, mais on entrevoit ce qui a eu l’air d’être bon pour d’autres personnes par le passé.
Un petit exercice que je recommande souvent à mes élèves en art, c’est de réussir à parler de leur travail sans le montrer « Je vais faire la rencontre de Mozart qui se serait mis à composer comme le groupe de métal Meshuggah avec de grandes montées Post Rock à la GodSpeed You Black Emperor » ça donne vite une idée de à quoi s’attendre.
En hypnose, j’utilise cela d’une autre manière afin d’avoir un mélange en tête qui me guide pendant mes séances ou mes écritures d’inductions.
« Je vais m’inspirer du sens de l’écoute que je sens chez Milton Erickson, de l’aisance visuel et de la présence de Kevin Finel et apprendre à garder le silence comme François Roustang ».
Ça donne déjà un cap mais il manque un peu de moi la dedans.
Alors je vais chercher une autre référence à ajouter pour compléter ce mélange. Actuellement il s’agit d’un poème de Machiado que m’a fait découvrir Marc Traverson et son livre « les énergies de l’hypnose »
Voyageur, le chemin
C’est les traces de tes pas
C’est tout ; voyageur,
il n’y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
(…)
Ce mélange des influences et inspirations permet de créer une nouvelle manière de faire les choses, qui m’est propre mais qui repose solidement sur d’autres personnes que juste moi ! Mélangez ce en quoi vous croyez et amusez vous à tenter de résumer comment vous pratiquez !
Un peu de Kevin Finel, un soupçon de Roustang, Quelques tranches d’Erickson et assaisonnez de vers de Machiado.
Pour aller plus loin, un épisode de Fouloscopie qui m’a beaucoup inspiré dans les réflexions que je partage ici :
Avec une petite capture de la conclusion de la vidéo pour vous donner envie de la voir
Aparté : Si vous désirez développer le sujet côté artistique, j’ai écrit un article sur le sujet et les bienfaits de trouver des « mentors qui s’ignorent » : https://takkartwork.medium.com/de-limportance-et-du-bon-usage-d-avoir-un-mentor-qui-s-ignore-72cc56cbaba4
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Digérer
Vous regardez régulièrement des cours, des conférences, des cabinets publics. Vous lisez de nombreux livres écrits par des maitres fondateurs de l’hypnose ou de fervents pratiquants. Super ! Digérez !
la tentation de se comparer à des personnes expertes n’est jamais loin au début d’une pratique et j’ai pu voir dans des discussions d’école sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes exprimer le fait de ne pas oser se lancer ; désirer refaire la formation avant de pratiquer ; apprendre pleins de nouvelles choses pour se sentir prête. Et pourquoi pas ? Chacun son rythme.
Mais imaginez simplement que vous désiriez un jour manger tout ce que vous pouvez pour ne plus jamais avoir faim ? Il y a de fortes chances que vous tombiez malade et que vous soyez incommodé sans laisser le temps au corps de digérer.
Digérer c’est aussi faire un tri sur ce qu’on aime, ce qu’on aime pas dans la pratique, dans les discours des formateurs, intervenants ou praticiens. C’est faire des choix qui permettent de se forger un point de vue. Et c’est pas mal non ? de commencer à avoir un point de vue, un avis sur tout ce qu’on apprend et comment on nous l’a appris. Certes, ça fait prendre UNE direction mais au moins ça emmènera plus loin que de rester assis à la croisée des chemins.
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Se planter
Hé oui, il faut tâtonner, une mauvaise séance apprend énormément de choses ! Bien plus que quand tout roule. Et c’est là que le travail commence aussi, en ayant plusieurs tours dans son sac, on va pouvoir faire des expériences avec le client qui découvre l’hypnose. Et ce n’est pas parce qu’une suggestion que j’aime faire ne fait pas mouche que ça part mal, au contraire !
J’aime commencer mes inductions sur le mouvement et donc je demande généralement à mes clients si ils sont capables de me montrer (avec la main qui convient) le mouvement et le rythme de leurs pensées en se concentrant sur leur problématique.
La réponse du client face à la suggestion est un énorme pas en avant dans la relation de travail
« ça ne semble pas vouloir bouger »
- Ok, et c’est comment pour vous que ça ne bouge pas ?
« en fait ça ne bouge pas de ce côté »
- Laissez cela s’exprimer comme ça veut alors
« c’est bizarre mais c’est le haut du corps qui a envie de bouger »
- c’est la que vous sentez que votre problématique est à travailler ?
« je sens que c’est lourd »
- vous aimeriez que cela devienne plus léger ?
Autant d’information qui permettent d’orienter le travail en séance avec du questionnement (et la ça devient un peu trop spécifique pour développer).
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Il y a aussi la mauvais expérience vécue en séance qui permet d’apprendre énormément
je me rappelle d’un atelier de travail à l’ARCHE que j’ai très mal vécu. Un opérateur qui a commencé à m’emmener dans un travail en transe sans me questionner et en se mettant d’un coup d’un seul à hurler sur ma main en lévitation. Hé bien je dois beaucoup à cette expérience car elle m’a énormément appris sur l’importance de la communication avant le travail. Ça sert à fixer ses propres limites et je pense que jamais je ne commencerais à faire de l’hypnose sans un bon pré-talk et un objectif clair avec mes clients.
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Faire évoluer
Une fois qu’on commence à être un peu plus à l’aise, on a de la place mentale qui se libère et on peut recommencer (youpi !) à aller explorer de nouvelles choses, amener de nouvelles connaissances à notre pratique petit à petit.
Actuellement je repense beaucoup aux séances d’hypnose réalisées sur moi ma première praticienne en hypnose, très très éloigné de ce que j’ai appris à l’ARCHE alors qu’elle a fait la même formation 10 ans avant. Ça intrigue, ça questionne alors j’explore !
Egalement, le cabinet public avec Yan Vervilet me pousse à explorer l’hypnose sèche
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Le style ne fait pas tout
Je considère que le style ne rend pas « bon » dans la pratique mais qu’il contribue à 40% à s’y sentir bien. C’est pour moi un rituel qui permet de pouvoir être rassurant, assuré et d’arrêter de faire de l’anticipation (donc être plus dans le présent… Youpi je me sens proche de ce que dit François Roustang !)
Dans le cadre de toute pratique, on ne peut pas se reposer sur un style. C’est une affirmation que je fais en connaissance de cause (pour avoir longuement enseigné cette question). Le style amène une confiance en soi, un point de départ en tout projet, toute séance. Mais il faut très vite réussir à s’en éloigner une fois lancé !
- Afin de ne pas rester bloqué et s’escrimer à faire en sorte que ça marche pour le client de la même manière que pour les autres avec qui ça a marché.
- Afin de pouvoir rapidement changer son fusil d’épaule et proposer autre chose si ça ne fonctionne pas.
- Afin de pouvoir s’autoriser à explorer d’autres choses, d’autres types d’hypnose
- ne pas inquiéter le client quand les suggestions ne prennent pas.
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Enfin !
J’espère à travers cet article avoir permis de faire émerger des pistes de réflexions. De mon côté je suis content d’avoir consigné ce que je m’escrimais à répéter de conversation en conversation, je vais pouvoir passer à autre chose et explorer afin de trouver un nouveau point de vue sur la question.
Et vous alors ? Avez-vous l’impression d’avoir un style ? Et est ce que celui-ci vous aide dans votre pratique ? Ou peut-être est ce futile pour vous et c’est aussi hyper intéressant d’avoir votre vision à ce sujet !
Une dernière référence si le sujet vous inspire, il s’agit de cet épisode de sens créatif autour de la question du style :
https://senscreatif.fr/29-trouver-son-style#:~:text=Trouver%20son%20style%2C%20c’est,les%20profondeurs%20de%20votre%20%C3%A2me.